
« Mon père était un agriculteur qui n’a jamais passé le certificat d’étude. Il travaillait dans une bétaillère, où il a trouvé un piano décati. “Mets le petit au piano”, dût-il dire à ma mère, qui devait avoir quelques velléités d’ascension sociale. J’habitais Abbeville, non loin d’Amiens en Picardie. J’avais le droit d’y acheter de la musique au kilo chez les brocanteurs. J’ai été inscrit au conservatoire d’Amiens pour 22 francs de l’époque. 22 francs qui m’ont donné l’immense chance d’apprendre le piano avec l’élève de Maurice Ravel et ancienne soliste de l’ORTF, d’une exigence incroyable », déclare le chef d’orchestre Hervé Niquet, lors du colloque sur l’avenir des conservatoires (CRR et CRD), à l’Assemblée nationale le 24/06/2015.
“Aujourd’hui, Hervé Niquet est un genre de garantie internationale des genres baroque et romantique, le tout pour 22 francs ! Nous rentrons d’une tournée en Corée du Sud et en Chine, où nous avons rassemblé des salles entières avec des noms aussi méconnus que le compositeur français Pierre Bouteiller. Qui connaît ce génie de la musique baroque ? Si nous parvenons à faire salle comble sur son nom à l’autre bout du monde, c’est sur la foi de l’excellence à la française dans ce domaine ! D’Abbeville à l’ONP, l’incidence du conservatoire dans mon parcours a été incroyable, le tout pour 22 francs, et mon témoignage est loin d’être unique ! C’est un grand choc quand je vois qu’on réfléchit à leur suppression. C’est notre patrimoine, et si on touche à la qualité de cette formation, c’est à notre patrimoine tout entier que l’on s’attaque", indique le fondateur du Concert Spirituel. News Tank a assisté aux échanges.
« Du conservatoire d’Abbeville à l’Opéra national de Paris, le tout pour 22 francs » (Hervé Niquet) Paris - Publié le jeudi 25 juin 2015 à 13 h 20 - Essentiel n° 45401 « Mon père était un agriculteur qui n’a jamais passé le certificat d’étude. Il travaillait dans une bétaillère, où il a trouvé un piano décati. “Mets le petit au piano”, dût-il dire à ma mère, qui devait avoir quelques velléités d’ascension sociale. J’habitais Abbeville, non loin d’Amiens en Picardie. J’avais le droit d’y acheter de la musique au kilo chez les brocanteurs. J’ai été inscrit au conservatoire d’Amiens pour 22 francs de l’époque. 22 francs qui m’ont donné l’immense chance d’apprendre le piano avec l’élève de Maurice Ravel et ancienne soliste de l’ORTF, d’une exigence incroyable », déclare le chef d’orchestre Hervé Niquet, lors du colloque sur l’avenir des conservatoires (CRR et CRD), à l’Assemblée nationale le 24/06/2015.
“Aujourd’hui, Hervé Niquet est un genre de garantie internationale des genres baroque et romantique, le tout pour 22 francs ! Nous rentrons d’une tournée en Corée du Sud et en Chine, où nous avons rassemblé des salles entières avec des noms aussi méconnus que le compositeur français Pierre Bouteiller. Qui connaît ce génie de la musique baroque ? Si nous parvenons à faire salle comble sur son nom à l’autre bout du monde, c’est sur la foi de l’excellence à la française dans ce domaine ! D’Abbeville à l’ONP, l’incidence du conservatoire dans mon parcours a été incroyable, le tout pour 22 francs, et mon témoignage est loin d’être unique ! C’est un grand choc quand je vois qu’on réfléchit à leur suppression. C’est notre patrimoine, et si on touche à la qualité de cette formation, c’est à notre patrimoine tout entier que l’on s’attaque", indique le fondateur du Concert Spirituel. News Tank a assisté aux échanges.
Les intervenants François de Mazières, député-maire de Versailles (divers droite apparenté Les Républicains), président de Versailles Grand Parc Fanny Reyre-Ménard, présidente de la Fédération des usagers du spectacle enseigné Hervé Niquet, chef d’orchestre Jean-Francis Pécresse, directeur de la rédaction de Radio Classique Martine André, président de l’Union nationale des directeurs de conservatoire Muriel Mayette, sociétaire de la Comédie-Française, ancienne administratrice générale
Impact de la baisse des dotations : « Remettre d’année en année l’achat d’un piano, d’une harpe ou d’un clavecin » (Martine André)
« Oui, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales a un impact réel, même si tous ne vivent pas la même chose. Qu’a prévu l’État quand il conserve le financement des seuls conservatoires adossés aux pôles supérieurs ? Sur l’achat d’une flûte, passe encore. Mais certains remettent d’année en année l’achat d’un piano, d’une harpe ou d’un clavecin. »
Martine André
« À Versailles, la baisse équivaut à 8 points d’impôts et sera reconduite sur trois exercices budgétaires. Et elle ne se limite pas à la seule ville. L’intercommunalité est, elle aussi, très violemment touchée. Quand s’y ajoutent les péréquations, dont certaines villes bénéficient mais à laquelle d’autres doivent bien contribuer, les villes doivent faire des choix très douloureux. Maintenir les crédits à la culture dans ce contexte présuppose une volonté farouche. Les 30 M€ qu’allouait l’État aux conservatoires, même s’ils représentent une part marginale au regard des financements des communes qui sont au premier rang, ne sont absolument pas symboliques. D’autant moins que l’enveloppe de crédits permettait d’envisager à terme un transfert complet de la compétence aux collectivités. Mais, là, avec une suppression de l’intervention de l’État, la perspective d’un transfert aux collectivités, est réduite à néant. Le tir doit être corrigé très vite, dès l’année prochaine et sans attendre les exercices suivants. »
François de Mazières
Les parcours professionnels au sortir des conservatoires
« 1 à 2 % des élèves qui passent par les conservatoires continuent leur discipline et deviennent professionnels. »
Martine André
« Je suis un pur produit des conservatoires. Leur intérêt est d’emmener du début au bout du chemin dans la formation. Me concernant, cela a été le conservatoire de Versailles, puis le conservatoire de Paris. Cet encadrement est fondamental, aux côtés de l’éducation nationale. Il serait inimaginable de s’en passer. On dit qu’il est élitiste ! C’est faux. Oui, il y a une différence entre l’apprentissage du solfège et le fait de jouer une pièce. La digestion d’un solfège est nécessaire en musique et en danse. À tous ceux qui m’interrogent sur leur enfant qui veut faire de la comédie, je pointe systématiquement vers les CRR et les CRD. Parce qu’ils sont le réceptacle d’une objectivité, d’un apprentissage des fondamentaux. Tout n’est pas subjectif dans la création. »
Muriel Mayette
« Depuis leur création, les conservatoires n’ont cessé de rassembler un public de plus en plus large. Leur proposition d’éducation aux techniques de la musique ont rencontré une très large adhésion. Ils sont face à leur succès. »
Fanny Reyre-Ménard
« On ne construit pas un bâtiment sans maîtriser a minima la règle de trois, pétard ! Si ce mur est droit et ne nous tombe pas dessus, c’est bien parce qu’un architecte s’est soucié d’utiliser une règle. Idem pour la musique. Si vous n’avez pas été formé pendant 20 ans à l’excellence musicale, vous ne serez pas en capacité d’être catapulté devant un public de 2 000 personnes. »
Hervé Niquet
Impact de la baisse des dotations : « Remettre d’année en année l’achat d’un piano, d’une harpe ou d’un clavecin » (Martine André)
« Oui, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales a un impact réel, même si tous ne vivent pas la même chose. Qu’a prévu l’État quand il conserve le financement des seuls conservatoires adossés aux pôles supérieurs ? Sur l’achat d’une flûte, passe encore. Mais certains remettent d’année en année l’achat d’un piano, d’une harpe ou d’un clavecin. »
Martine André
« À Versailles, la baisse équivaut à 8 points d’impôts et sera reconduite sur trois exercices budgétaires. Et elle ne se limite pas à la seule ville. L’intercommunalité est, elle aussi, très violemment touchée. Quand s’y ajoutent les péréquations, dont certaines villes bénéficient mais à laquelle d’autres doivent bien contribuer, les villes doivent faire des choix très douloureux. Maintenir les crédits à la culture dans ce contexte présuppose une volonté farouche. Les 30 M€ qu’allouait l’État aux conservatoires, même s’ils représentent une part marginale au regard des financements des communes qui sont au premier rang, ne sont absolument pas symboliques. D’autant moins que l’enveloppe de crédits permettait d’envisager à terme un transfert complet de la compétence aux collectivités. Mais, là, avec une suppression de l’intervention de l’État, la perspective d’un transfert aux collectivités, est réduite à néant. Le tir doit être corrigé très vite, dès l’année prochaine et sans attendre les exercices suivants. »
François de Mazières
Les parcours professionnels au sortir des conservatoires
« 1 à 2 % des élèves qui passent par les conservatoires continuent leur discipline et deviennent professionnels. »
Martine André
« Je suis un pur produit des conservatoires. Leur intérêt est d’emmener du début au bout du chemin dans la formation. Me concernant, cela a été le conservatoire de Versailles, puis le conservatoire de Paris. Cet encadrement est fondamental, aux côtés de l’éducation nationale. Il serait inimaginable de s’en passer. On dit qu’il est élitiste ! C’est faux. Oui, il y a une différence entre l’apprentissage du solfège et le fait de jouer une pièce. La digestion d’un solfège est nécessaire en musique et en danse. À tous ceux qui m’interrogent sur leur enfant qui veut faire de la comédie, je pointe systématiquement vers les CRR et les CRD. Parce qu’ils sont le réceptacle d’une objectivité, d’un apprentissage des fondamentaux. Tout n’est pas subjectif dans la création. »
Muriel Mayette
« Depuis leur création, les conservatoires n’ont cessé de rassembler un public de plus en plus large. Leur proposition d’éducation aux techniques de la musique ont rencontré une très large adhésion. Ils sont face à leur succès. »
Fanny Reyre-Ménard
« On ne construit pas un bâtiment sans maîtriser a minima la règle de trois, pétard ! Si ce mur est droit et ne nous tombe pas dessus, c’est bien parce qu’un architecte s’est soucié d’utiliser une règle. Idem pour la musique. Si vous n’avez pas été formé pendant 20 ans à l’excellence musicale, vous ne serez pas en capacité d’être catapulté devant un public de 2 000 personnes. »
Hervé Niquet