
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons tous compris qu’en matière de culture, le Gouvernement tente de redorer le bilan d’un quinquennat terriblement décevant. Vous êtes, madame la ministre, une artiste du trompe-l’œil, votre mission est de tendre un voile doré sur quatre années de disette, et vous le faites habilement ; mais quelle triste image d’irresponsabilité pour votre majorité ! Non, mes chers collègues, la culture ne devrait pas être seulement un potentiel de voix à flatter au moment des élections. La culture demande plus de constance, plus de sincérité, plus d’amour.
Le candidat Hollande avait promis de respecter le 1 % culturel qui, je le rappelle, avait été atteint de 2009 à 2012. Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin furent les victimes des coupes claires opérées lors des premiers budgets du quinquennat, les seuls à porter la vraie marque d’une politique – puisque ceux qui les votent assument aussi la responsabilité de leur exécution. Sous leurs ministères, ce taux s’est effondré à 0,8 %. D’ailleurs, si l’on applique les mêmes critères de calcul, il reste à ce niveau pour 2017 : vos affirmations à ce sujet sont donc soumises à caution. Plus inquiétant : vous vous vantez d’un budget monstre de 10 milliards d’euros, en intégrant pour la première fois des dépenses fiscales, forcément estimatives. Madame la ministre, avez-vous conscience de porter un mauvais coup à la culture ? Car il faut être clair : quand votre majorité demande le prélèvement à la source pour réduire les dépenses fiscales – des sommes pourtant indispensables au mécénat et au patrimoine –, les afficher ainsi dans votre propre budget, en les gonflant au maximum jusqu’à les faire passer pour une ressource du ministère de la culture, c’est donner des armes à ceux qui considèrent que la culture est un luxe. C’est jouer contre la culture ! Non, la culture n’est pas un luxe, surtout en temps de crise. Et il nous faudra, demain, montrer que la droite et le centre ont une vraie sincérité culturelle, dans la durée.
Concernant le patrimoine – le grand sacrifié de ce quinquennat –, rappelons tout d’abord que la loi a été mal préparée. Votre premier acte de bravoure, madame la ministre, fut de donner raison à l’opposition : au pied levé, vous avez repris les amendements que nous avions proposés. Les onze associations de défense du patrimoine viennent de publier une excellente lettre ouverte dans laquelle elles préconisent vingt-deux mesures dont il faudra s’inspirer à l’avenir. Elles conseillent notamment de porter à 400 millions les crédits pour le patrimoine monumental, tombés à 320 millions, et de sanctuariser les crédits alloués à la Fondation du patrimoine, passés de 10 à 4 millions d’euros en 2016. J’ajouterai les crédits d’entretien du Centre des monuments nationaux, qui aurait besoin de 30 millions et non de 15 millions pour faire face à ses chantiers. Même l’artifice auquel le Gouvernement a eu recours l’an dernier, la budgétisation de la redevance pour l’archéologie préventive – 118 millions d’euros en plus –, ne peut cacher cette baisse historique des crédits du patrimoine.
Autre regret, l’abandon de l’enseignement de l’histoire des arts à l’école, une bonne mesure injustement enterrée.
De son côté, le budget de la création diminue moins, quoique l’écart cumulé en cinq ans ne soit pas négligeable : 154 millions d’euros de moins qu’en 2012.
Que retiendra-t-on de ces cinq ans ? Le succès de la Philharmonie de Paris ? Pas vraiment une création de votre majorité ! La suppression du projet du Centre national de la musique ? L’effet désastreux des baisses de dotations aux collectivités locales ? Des festivals rayés de la carte ? La dispersion des aides publiques ? Une politique assez habile pour gérer l’intermittence, mais qui n’aura rien résolu ? Le combat à l’international contre les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon –, pénalisé par la succession des ministres ? En somme, une absence de ligne directrice. Vous avez d’ailleurs eu conscience de ce faible bilan, madame la ministre, en faisant annoncer au président Hollande, il y a à peine quelques jours, la création de la Cité du théâtre ! Je dirais : pourquoi pas, mais où sont les études ? Pourquoi tant de précipitation ?
S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », avec vos deux prédécesseurs, vous en avez fait une priorité et l’on ne peut qu’y souscrire. Mais là encore, que de rattrapages de dernière minute ! Cette année, la création du FONPEPS donne ainsi l’illusion d’un nouveau souffle à ce programme, qui bénéficie de 55 millions d’euros de plus, mais ne s’agit-il pas de politique de l’emploi plutôt que de transmission des savoirs ?
Le 19 janvier 2012, lors des Biennales internationales du spectacle de Nantes, le candidat François Hollande avait fait une promesse : « Le budget de la culture sera entièrement sanctuarisé durant le prochain quinquennat. »
En réalité, entre 2012 et 2017, le budget de la mission « Culture » a connu une baisse cumulée de 400 millions d’euros. Pour conclure, à l’heure du bilan – car c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui –, cette grande ambition se résume à trois ministres en cinq ans, mais aucune ligne politique ; un attentisme sur la question de la participation des GAFA au financement de la création ; une unique loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite CAP, mais sans cap ; une politique du patrimoine sacrifiée ; une politique d’éducation artistique malmenée, notamment par la baisse des crédits aux conservatoires, malgré les tentatives de rattrapage in extremis ; une absence de projets marquants, mais des annonces de dernière minute aux financements très incertains ; une hypertrophie des projets parisiens au détriment de la province ; des nominations très politiques ; une administration déboussolée par la réforme régionale.
Madame la ministre, la communication ne fait pas tout, même au ministère de la culture et de la communication ! Devant l’effort de dernière minute pour ce budget 2017, notre groupe s’abstiendra. Mais vous l’aurez compris, le bilan de ces cinq années est très mauvais.
Vidéo de l’intervention : https://www.youtube.com/watch?v=hVJ...